La société américaine Gomba Music Inc., dirigée par Harry Balk, venait de déposer plainte auprès d'une cour du Michigan à l'encontre de la société Interior Music Corp. et son patron Clarence Avant. Dans la plainte, Interior Music était accusé d'avoir collecté frauduleusement les royalties du chanteur, alors que ce dernier était sous contrat avec Gomba Music. Sixto Rodriguez, qui jouait dans les bars et clubs de sa ville natale Détroit (Michigan), avait été embauché en juillet 1966, avec un contrat exclusif d'une durée de cinq ans, comme auteur et compositeur pour Gomba Music.
Or en 1969, toujours selon le texte de la plainte, Clarence Avant, patron de Sussex Records, avait approché Rodriguez et Gomba Music pour récupérer ce contrat en vue de l'enregistrement d'un album de Rodriguez – le futur Cold Fact, qui sera publié en mars 1970. Les parties ne parvenant pas à un accord, Avant aurait alors, en février 1970, concocté un contrat, par l'intermédiaire de sa structure d'édition Interior Music, donnant crédit – et donc les revenus qui y sont attachés – à des compositeurs fictifs, dont un certain Jesus Rodriguez, frère supposé de Sixto Rodriguez. C'est cette pratique qui est mise en cause par la plainte.
Mais, mercredi 28 mai, rebondissement. Comme l'indique The Hollywood Reporter dans un suivi de l'affaire, voici Sixto Rodriguez mis en cause à son tour… par Interior Music qui prétend que le chanteur avait à l'époque menti sur son contrat d'exclusivité avec Gomba Music en prétendant qu'il en avait été libéré. Les avocats d'Interior Music s'appuyant sur un document écrit signé par Rodriguez dans lequel il déclarait sous serment ne plus être en contrat avec Gomba Music.
IMBROGLIO
Une plainte a donc été déposée, auprès de la même cour du Michigan, contre le chanteur… désormais considéré par Interior Music comme responsable de cet imbroglio. Une manière aussi pour Interior Music de se dédouaner de sa manœuvre qualifiée dans la première plainte de « frauduleuse ». A ce jour, les représentants de Sixto Rodriguez n'ont pas indiqué comment ils allaient répondre.
Si Cold Fact fut, à sa sortie et durant des années, un échec commercial – sauf en Afrique du Sud, pays qui voua un culte au chanteur à la fin des années 1970, où il se serait écoulé à 500 000 exemplaires, dont une grande partie dans des éditions contrefaites –, la ressortie officielle de l'album en 2009, sur le label spécialisé Light In The Attic, puis à nouveau en 2013, avec en plus une compilation bande-son du film, et de son successeur Coming From Reality (novembre 1971), ont généré depuis de substantiels revenus. D'où l'importance pour l'une des deux sociétés de contrôler les droits d'éditions et de représentations du chanteur.
Sylvain Siclier
journaliste